Cinéma: "the Box"

Publié le par T


A propos du dernier Richard Kelly: "the Box".
Le pitch: Un couple mène une vie paisible jusqu'au jour où une mystérieuse boîte est déposée devant leur domicile. Peu de temps après se présente l'énigmatique Arlington Steward qui leur révèle qu'en appuyant sur le bouton rouge de la boîte, ils recevront 1 000 000 $, mais cela entraînera la mort d'un inconnu...

(le texte suivant dévoile en partie l'intrigue du film).
L'idée de base est intéressante et même assez crédible. En effet, imaginons une vie extra-terrestre, incommensurablement plus avancée que nous, étudiant la terre. Leur constat serait sans doutes: "L'homme représente un grand danger pour son écosystème". Tout comme nous n'hésitons pas éradiquer une espèce animale envahissante il serait de l'ordre du possible que ces observateurs viennent à examiner cette solution extrême: Doit-on éliminer l'espèce humaine afin de protéger cette planète?... Au cours de leurs débats interviendrait assez rapidement la question du critère d'évaluation. Les arguments en notre défaveur sont patents. Qu'en est-il des arguments pour? Qu'est-ce qui différencie l'espèce humaine des autres espèces (la rendant unique et donc digne de survie malgré son impact catastrophique sur la faune & la flore)?... Sa capacité de raisonnement, de communication, d'abstraction, etc. Est-ce si exceptionnel? Est-on capable de prendre du recul sur notre condition animale? Peut-on prendre une décision contraire à notre propre préservation biologique pour une raison d'ordre morale? Soumettons donc les humains, tout comme ils le font avec leurs rats de laboratoire, à un test: celui du bouton.
Brièvement: Seriez-vous capable d'appuyer sur un bouton vous faisant gagner une somme colossale, tout en sachant qu'un individu inconnu en mourra quelque part sur cette terre?
L'idée, véritable fil d'Ariane du film, est intéressante. Mais comment en faire une œuvre de 2h? Richard Kelly oriente assez vite son affaire dans les méandres d'un thriller science-fictionnesque. Cela n'est pas pour me déplaire, mais je trouve que le propos de base perd de sa force (pour en retrouver sur la fin, mais j'y reviendrai). Question: "pourquoi ne faut-il pas tuer un être humain?". La majorité d'entre nous conclurait sans doutes son monologue intérieur par un "parce que c'est mal / c'est immoral". Demandons-nous plutôt si nous sommes assurés de la fiabilité de nos valeurs. A se regarder au fond le l'âme on constate ceci: La plupart des gens s'abstiennent de tuer pour de bien d'autres raisons que celle de la morale: Par dégout de l'acte en lui-même / Par peur de la mort / Par peur de finir en prison / Par peur du jugement populaire, etc. Le test de la boite permet d'éclaircir ce point. En effet vous ne connaissez pas la victime. Il n'y a aucun lien entre vous et le mort. Exit donc le dégout de l'acte, la prison, etc. Ne reste que la question morale. Ce qui permet de faire le tri entre nos convictions réelles et nos pseudo-convictions soumises à conditions.  Et vous? Que feriez-vous?

(attention, révélation de la fin du film)
Norma (Cameron Diaz) presse le bouton, le couple reçoit donc son million de dollars. Ce n'est pas anodin. Cet acte a ses conséquences. Il va falloir faire un autre choix, bien plus douloureux. L'étrange propriétaire de la boite leur impose une alternative non négociable: "Votre enfant est désormais sourd et aveugle, vous avez deux possibilités: garder l'argent et vivre votre vie en acceptant ce lourd handicap. Ou bien (au mari) tuer votre femme, ce qui libérerait immédiatement votre fils de sa surdité/cécité". Le couple finit par accepter ce sacrifice et le mari tue sa femme - Montage parallèle: dans un autre lieu, au même instant, un autre couple appuie sur le bouton - The End... Le final est donc plutôt ambiguë ("Richard Kelliesque"). En effet il peut s'interpréter de deux façons:
-1- Le réalisateur insiste sur Sartre pendant le film, mettant ainsi l'accent sur le concept de liberté (sommes-nous libres où déterminés). Richard Kelly semble donc nous dire "vous croyez être libre, mais il n'en est rien, vous n'êtes que des pantins prisonniers d'une chaine de déterminismes."
-2- La Synchronicité finale a une valeur symbolique. Est soulevée l'idée de responsabilité: Vous voulez/prétendez être libre? Soit! Mais acceptez les conséquences de vos actes. Le montage parallèle nous montre donc ce qui attend le second couple.
La 2ème hypothèse me semble bien plus probable car elle colle d'avantages à l'existentialisme Sartrien (lequel insiste sur la notion de responsabilité).
Richard Kelly est décidément un réalisateur à part. Après l'échec de Southland Tales il aurait pu, comme bien d'autres, sombrer dans le préfabriqué bling bling. Il n'en est rien! Avec "the box" il confirme son indépendance des diktats d'Hollywood.
Artiste à suivre...

"Ne pas choisir, c'est encore choisir."
"L'homme qui se croit déterminé se masque sa responsabilité."
"L'homme se fait ; il n'est pas tout fait d'abord, il se fait en choisissant sa morale, et la pression des circonstances est telle qu'il ne peut pas ne pas en choisir une."
    Sartre

A lire:
"le jeu du bouton" de Richard Matheson
"L'Existentialisme est un humanisme" de JP Sartre
A voir:
L'expérience de Milgram
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